Destinée à une carrière traditionnelle, une question se pose très tôt dans mon parcours: où se trouve cet ailleurs où le geste s’étend, libre? La vérité intérieure que ma main attrape alors, ouvre la voie de paysages inabordables autrement. Depuis, je sculpte cet espace à travers plusieurs médias.
Dans ma démarche, les cheminements physiques et mentaux tiennent une place essentielle; par leurs langages, trajectoires et images. A travers eux, je tente de faire émerger les potentialités d'une situation et transcrire la parole qui en résulte, avec une question: Quel est ton voyage? Je saisis souvent sur le vif les traces du passage d'une situation contrainte à une suite plus désirable, par la mise en crise de la réalité existante. Je donne forme aux récits qui émergent dans une écriture faite de matrices, grapheïns et nomenclatures tirés vers un ailleurs à construire. Je dit parfois cette écriture poïétique. Régulièrement, je la place sur des rouleaux pour évoquer les récits qui s'enroulent et se déroulent, s'arrêtent et repartent, dans la tête comme dans l'espace. L’endroit de l’échange – avec ses paroles, vibrations et silences – devient un laboratoire où créer de nouveaux chemins de vie tirés de notre désir de dépassement. Là, je considère parfois l'environnement délivrer des oracles et se placer en relais d'un autre futur à construire. Dans ce monde aux confins de l’hétérotopie, la serpentine est une arme pour lutter contre les rigidités et écrasements de singularités humaines que notre système produit, en particulier s’agissant de nos ressources de sensibilité, délicatesse et créativité.
Face aux enjeux sociétaux que nous traversons, en particulier dans le rapport au travail et à notre environnement, je voudrais intégrer d’autres dimensions pour interroger nos conditions d’existence au-delà de nos conditionnements et attaches culturelles. Cette démarche s’appuie sur une relation de care où une écologie de l'être permet d’ouvrir sur des futurs plus inspirants. Dans cette écologie, l’humain construit l'avenir depuis une somme d’expériences, intuitions, signaux faibles, sensibilités, rebonds et autres contingences liées aux espaces qu’il traverse. Je tente parfois d'en faire un jeu dont les éléments proposés s’avèrent plutôt des anti-jeux ou des non-jeux. S’ils encouragent la circulation, ils sont souvent pipés, tordus, à l’envers, difficiles à manier… Disséminés dans l’espace, ces éléments obligent l'autre à se mouvoir à travers pour tracer son chemin, au risque de leur marcher dessus.
Si la peinture et les grapheïns sont centraux dans mon travail, vidéos et photographie viennent souvent proposer d’autres contours au réel. En outre, je donne forme par l'écriture à certains contenus sous-jacents, en particulier un corpus lié à l'exploration mentale. C’est à travers ces divers médias que je place un dialogue alchimique avec ce(ux) qui m’entoure(nt), dans une tension constante entre cadre et liberté.
«Parfois, je vais chercher la force des mains de Louise, dans les jardins du jeu de Paume. Ces mains offertes, nouées, seules ou en communauté… Quand je m’approche de la plus petite, perdue dans l’immensité d’un rocher accueillant, je pose ma main dedans et quelque chose respire le nouveau.» Journal